Evolution des tissus à l’Atelier

Vie de l'atelier

Un gros chantier au coeur de l’Atelier sur lequel j’avais besoin de revenir et d’expliquer son évolution.

Lorsque j’ai débuté l’aventure de Rebié en 2018, mes connaissances en matière textile technique étaient encore assez limitées. En bon veilleur de formation, j’ai d’abord observé les usages en vigueur chez les fabricants existants. Je souhaitais des tissus ayant déjà été éprouvés et dont la notoriété était bien établie.
Il fallait également que le tissu soit facilement accessible chez des distributeurs et que je puisse le travailler correctement avec ma machine à coudre Singer. Pour comprendre un peu les tissus techniques disponibles je vous conseille la vidéo de Jason de l’Atelier Longue Distance, fabricant de sacs à dos sur-mesure en Dordogne.

Le Cordura s’est imposé comme le tissu répondant aux critères du moment. Réputé pour sa durabilité, ce tissu en nylon avec son enduction en polyuréthane (PU) au dos était facilement disponible et dans des coloris divers. La machine à coudre supportait l’épaisseur du tissu (330 deniers en général) et les sacoches ressemblaient aux produits que je souhaitais fabriquer : durable, sobre et résistant à l’eau.
Une fois la toile extérieure trouvée, il fallait s’équiper de tissu pour la doublure et d’accessoires pour finaliser les sacoches.

Coté doublure (toutes les sacoches Rebié sont doublées pour assurer une belle finition et offrir une meilleure durabilité), j’ai trouvé chez le principal distributeur européen une toile PU enduite correspondant aux besoins que j’avais : une toile de couleur rouge intense pour voir facilement à l’intérieur, avec un poids correct (240g/m2) et une bonne résistance à la déchirure.

J’ai fabriqué des sacoches en toile Cordura pendant 3 ans, en essayant par-ci par-là d’autres tissus comme le Xpac de chez Dimension Polyant, ou d’autres toiles nylon.


Les retours étaient bons mais quelque chose me turlupinait avec ce tissu : il était la création et la propriété de la multinationale américaine Dupont, une entreprise s’étant développée grâce au marché militaire (…) et surtout derrière le scandale Teflon .
La proximité avec le domaine militaire et l’enrichissement d’une grosse compagnie ayant dissimulé des scandales sanitaires et écologiques ne m’enchantaient pas… La révélation de la pollution aux PFAS, présents dans de nombreuses toiles techniques comme le Cordura (à l’époque) ont fini de me convaincre : voir le documentaire d’Avant l’Orage sur le sujet.
Je me suis mis à la recherche d’alternatives intéressantes dont l’impact écologique pouvait être bien moindre (au moins dans la fabrication et la composition).

Et c’est à ce moment qu’est apparu la gamme Ecopak de chez Challenge Sailcloth, une gamme de tissus réalisés à partir de recyclage de bouteilles plastiques. Sur le papier les caractéristiques techniques de la gamme EPX200 semblaient correspondre au tissu Cordura que j’avais pris l’habitude d’utiliser. Le large choix de coloris de cette gamme et la possibilité de commander directement auprès du fabricant m’ont fait sauter le pas.

Je me suis donc retrouvé avec mes premiers rouleaux de tissus commandés. Cela apportait un gain d’argent et de praticité, mais aussi une dépendance dans les choix effectués. Après plusieurs retours et quelques usages de ma part, j’ai constaté que la gamme EPX200 s’avérait moins étanche qu’annoncée… Petite suée des premiers retours me remontant la perméabilité après de fortes pluies… En effet, le constat sera fait que le tissu reste déperlant lors d’averses éparses ou de la bruine mais ne résistera pas totalement à des fortes draches… Entre temps, il y a eu une nouvelle commande, pensant que c’était mes techniques de couture qui étaient en cause (taille d’aiguille possiblement trop grosse, fil trop gros également, ou bien finitions à améliorer etc…). L’habitude de douter de soi avant de douter des matières utilisées… Mais il s’agissait bien de l’EPX200.
Attention hein, ce n’est pas une passoire non plus!

Le constat étant posé, après quelques échanges avec d’autres collègues maîtres sacochiers et avec Challenge, je me suis réorienté sur la gamme EPLX, tissu de fabrication similaire au EPX mais avec une membrane polyester en plus pour garantir une bonne étanchéité. La gamme des coloris est bien moins étendue mais la possibilité d’imprimer dessus compense.

Le tissu EPLX avec son tramage bleu au dos et son enduit

L’histoire en est là mais elle ne s’arrête pas : je reste en alerte des innovations techniques et des nouveaux produits disponibles. Je voudrais revenir sur des questions que je me pose régulièrement et que vous pourriez également vous poser.

Pourquoi se limiter à une gamme de tissus?

En tant que petit artisan, il est souvent très difficile d’avoir accès directement aux fabricants des tissus et matériels nécessaires à la fabrication des sacoches, à cause des quantités minimales imposées. Se fixer sur une gamme de tissus, c’est rendre possible la commande en plus grande quantité et donc avec des prix bien plus intéressants (environ -30% pour le tissu) et ne plus risquer d’être à court.

De plus, se fidéliser auprès d’un type de tissus est intéressant pour mieux l’utiliser et pouvoir répondre plus précisément aux besoins que vous pourriez avoir.

Cela n’empêche pas de continuer à commander occasionnellement quelques mètres d’autres tissus et d’être ouvert à d’autres demandes.


Et le recyclage de matériaux?

C’est une question qui m’habite depuis le commencement de l’activité. On le sait, la situation écologique est catastrophique et l’industrie du textile a une grosse part de responsabilité là-dedans… J’ai longtemps cherché comment faire pour récupérer de la matière et fabriquer des sacoches techniquement viables (A cet égard, la démarche du Rouquin qui roule est très intéressante). J’ai fait des tests avec des voiles de planches à voiles que l’on m’avait donné par exemple.

Mais, lors de mes quelques essais à “l’upcyclage” de matières, j’ai été confronté à plusieurs difficultés :

  • que ce soit à Bordeaux ou maintenant dans les Pyrénées centrales, l’industrie textile y est toujours très faible voire inexistante pour imaginer récupérer des fins de stock régulièrement localement.
  • le rendu esthétique patchwork ne me satisfait pas. Trop d’aléas sur les coloris et le besoin de coudre trop de petits bouts ensemble avant de coudre la sacoche…
  • une étape très (très) chronophage consistant à dépecer, entretenir les produits, tissus à récupérer
  • des matériaux aux caractéristiques techniques inconnues ou détériorées par le temps ne permettant pas de fabriquer des sacoches techniquement viables

Malgré tout, je reste alerte sur le sujet et utilise régulièrement de la voile de parapente pour réaliser les musettes de l’Atelier Rebié, notamment en voiles Nervures fabriquées dans les Hautes-Pyrénées. De plus, je continue à chiner ici et là des toiles en seconde vie pour des projets hypothétiques. Des idées émergent à l’aune des tissus récupérés.

Et les tissus fabriqués en France?

Dans la même veine que le recyclage des matériaux, c’est un sujet qui est présent depuis le début : comment réussir à se sourcer en matière le plus localement possible?

Tout d’abord, il faut réussir à identifier les entreprises locales (ou françaises), et ce n’est pas chose aisée! On va dire que le tournant numérique n’a pas été pris de la même manière par tout le monde. Cela peut s’expliquer par le lien de ses entreprises avec de gros clients professionnels, ce qui ne nécessitait pas d’être visible du grand public. A la différence d’autres pays, beaucoup de fabricants français de tissus n’ont pas de catalogue facilement accessibles.

Les fabricants de tissus correspondant à nos usages sont souvent des fabricants de tissus pour l’extérieur : toiles pour stores, parasol ou autre mobilier d’extérieur. Et cela limite considérablement les gammes en termes de colorimétrie (beige, marron, noire ou des couleurs plutôt sobres), de grammage ( 480g/m2 face au 244g/m2 du EPLX) et de textures. Nous avions réalisé une série de sacs et pochettes en collaboration avec La Minutie (une maroquinière de Bordeaux), en utilisant ce type de toiles. Heureusement que Léa possédait une machine à coudre triple entrainement pour utiliser ce superbe tissu fabriqué dans le Nord de la France.

Une fois qu’on a potentiellement identifié les tissus pouvant nous intéresser, il faut accéder au service client. Autre parcours du combattant. Des discussions par toujours très fluides, des quantités minimales plutôt importantes pour tester (et pour un jeune artisan) et des prix non négligeables avec des performances techniques peu éprouvées pour de la bagagerie vélo.

Il en va de même pour les accessoires, boucles, sangles etc….

Actuellement, je privilégie de stabiliser mon activité avec des matériaux éprouvés par d’autres fabricants et l’accès à des commandes de gros pour pouvoir avoir des tissus en rouleau (à des prix plus abordables).
J’ai essayé d’aller identifier de nouveaux fournisseurs au salon Première Vision cette année (un des salons du textile les plus réputés). Il est clair que rien est fait pour l’artisanat (les quantités minimales sont ahurissantes, il me faudrait plusieurs années pour écouler ces quantités, et je n’ai pas la trésorerie pour), très peu pour l’écologie (la croix et la bannière pour identifier des fabricants de produits recyclés et/ou recyclables)…

Le sujet n’est pas clos et je reste alerte des fabricants locaux en essayant de régulièrement les contacter et accéder à des échantillons!

C’est un sujet très important pour tout artisan et fabricant de sacoches. Vos retours sont un atout précieux pour améliorer les pratiques au sein de l’Atelier.
Si vous avez des questions, des remarques ou des suggestions, votre avis est toujours le bienvenu.

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